Biographie
Marc-Antoine K. Phaneuf s’intéresse à la poésie de la culture populaire. Détenteur d’une maîtrise en histoire de l’art, il est l’auteur de plusieurs expositions basées sur des collections d’objets (petites annonces, trophées, livres de cuisine, magazines et autres). Il a aussi fait paraître trois livres de poésie aux éditions Le Quartanier : Fashionably Tales, une épopée des plus brillants exploits en 2007, Téléthons de la Grande Surface (inventaire catégorique) en 2008 pour lequel il a été sélectionné finaliste du prix Émile-Nelligan 2009 et Cavalcade en cyclorama en 2013. En 2020, il a publié à La Peuplade le Carrousel encyclopédique des grandes vérités de la vie moderne, un livre d'aphorismes détraqués. Dans ses plus récentes œuvres artistiques, MAKP investit les lieux dédiés à l’art contemporain et l’espace public pour y faire apparaître des poèmes et autres textes littéraires, de son cru ou empruntés.
Entrevue
J’ai très peu lu de poésie à l’école. On nous faisait réciter des textes par cœur, sans jamais nous annoncer que c’étaient des poèmes.
Je me souviens d’un atelier d’écriture, en secondaire 5, où l’on devait rédiger un poème, mais le seul exemple que le prof nous avait fait lire était un truc hyper lyrique de Gilles Vigneault. Nous avions tous fait des pastiches de ce texte, avec des références creuses à l’Antiquité et la mythologie. Ça ne nous ressemblait pas du tout. Ce n’était pas, selon moi, une bonne porte d’entrée dans la poésie.
Ce qui m’animait le plus à l’époque, c’était les paroles de chansons. Je me souviens d’avoir été mystifié par celles de Michael Stipe, le chanteur de R.E.M. lorsque j’ai compris qu’elles pouvaient avoir plusieurs sens en même temps... c’est probablement le plus vif rapport à la poésie que j’aie connu pendant mes études secondaires.
Je devais être en secondaire 3 quand j’ai écrit mes premiers poèmes. Quand j’y repense aujourd’hui, ils étaient horribles. Mais en même temps ils étaient nécessaires. J’avais besoin de m’exprimer, et la poésie me permettait d’assouvir ce besoin, comme on écrit d’abord pour soi.
C’est un peu plus tard, je dirais au cégep, que l’acte d’écrire est devenu réellement excitant : j’étais fasciné par des mots, que j’essayais de faire dialoguer avec d’autres, et j’éprouvais un plaisir fou à structurer ces morceaux de phrases sur la page. Ce jeu de composition formelle s’est raffiné et j’en suis venu à explorer des formes qui me semblaient totalement nouvelles, je cherchais à inventer quelque chose.
À 22 ans, j’ai eu un déclic : j’ai écrit un poème spécifiquement pour un ami. C’était un court poème qui relatait une blague qu’on avait fait quelques jours auparavant. J’ai alors compris que la poésie avait besoin d’un lecteur. Je le savais déjà, tsé, mais c’est là que je l’ai vraiment compris... Et en plus, un poème qui ressemble à une blague, c’est plutôt rare et amusant...!
Toute quête artistique doit être nourrie. Et je pense que le poète, comme tous les autres artistes, doit être au courant de ce qui se passe autour de lui. L’auteur est d’abord un lecteur, et c’est en se construisant une culture littéraire qu’il devient un (meilleur) auteur. Il doit aussi observer le monde et s’ouvrir à celui-ci, s’intéresser à d’autres disciplines artistiques, les arts visuels, le cinéma, la danse, la musique, ou encore à des champs d’études comme l’histoire, la politique, les sciences.
Plus concrètement, pour l’écriture, je pense que le travail du poète fonctionne à deux vitesses. Il y a d’abord un temps libre où les idées arrivent, souvent quand on se s’y attend pas, dans l’autobus, sous la douche, en marchant dans la ville. Il faut avoir l’esprit libre et se nourrir du monde qui nous entoure. C’est peut-être même lié à l’ennui ; du moins, à l’oisiveté. Les idées peuvent venir de partout, elles peuvent arriver n’importe quand. J’ai souvent des idées de poèmes quand je vois des publicités ou quand j’entends des chansons quétaines à la radio...
Puis, il y a le temps d’écriture, qui ressemble à l’idée qu’on se fait d’un auteur : il est assis à une table avec ses outils, papier et crayon, dactylo ou ordinateur. Et c’est là que les idées deviennent des poèmes. Il faut avoir la discipline de travailler, de se pencher sur un texte comme on se concentre sur un devoir de mathématique. Ça prend du temps, et il faut trouver son propre rythme. Pour ma part, le meilleur moment d’écriture est le matin, entre le déjeuner et le dîner, c’est le moment du jour où mon cerveau fait des étincelles ; pour d’autres, c’est la nuit. C’est très personnel.
Écrire prend du temps. Il faut savoir prendre du recul. Si on écrit un poème et qu’on réussit à l’oublier pendant quelques semaines, à la relecture on voit tout de suite ce qui fonctionne et ne fonctionne pas avec lui.
« Le jardin » est extrait de Téléthons de la Grande Surface (Le Quartanier, 2008), dans lequel je voulais classer plusieurs éléments du réel, des gens, des œuvres et des objets de toutes sortes, en jouant sur les doubles-sens que certains de ces éléments portaient. Ainsi, le chanteur Claude Dubois et l’artiste Mathieu Latulippe apparaissent dans une liste principalement dédiée aux plantes et aux arbres, et non dans une liste de chanteurs ou une liste d’artistes. Dans le même ordre d’idées, « la lutte dans le Jell-o » est listée parmi les desserts, et « Rambo » dans une liste de poètes. Rambo, Rimbaud, la pognes-tu?
Tout le livre est construit comme ça, et la somme donne à lire un inventaire qui ne fonctionne pas comme réel inventaire, mais devient un prétexte pour faire des blagues : chaque élément « mal placé » devient un punch. C’est un peu par ces éléments disparates que la poésie se révèle.
Probablement « Cantouque des hypothéqués » de Gérald Godin, pour son rythme incroyable, sa verve presque vernaculaire.
Ou sinon « Steve McQueen (mon amoureux) » de Renée Gagnon, pour conduire la Ford Mustang Fastback 1968.